Approchez-vous, chrétiens pieux,
Venez entendre la complainte,
Du Père Gaschon bienheureux,
Qui maintenant est dans l’enceinte
Du brillant séjour des Elus
Et de ceux qui ont bien vécu.
Dès son bas âge il commença
D’élever son cœur et son ame,
A Dieu vers qui il s’adressa,
Qui de son souffle tout enflamme,
Lui sacrifiant tous ses jours,
Toutes ses peines et son amour.
Arrivé à cet âge heureux,
Où tout respire l’innocence,
Tous ses travaux et tous ses jeux
Se tournaient vers la Providence ;
Ne cherchant d’autre occupation
que la prière et l’oraison.
L’adolescence ayant fini
Chez cet homme incomparable,
Le Sacerdoce lui fournit
Un des moyens les plus louables,
De pouvoir s’unir à jamais
Au seul objet de ses attraits.
Par ses études et son savoir,
Il parvint sans beaucoup de peines,
A tout ce qu’il voulait avoir,
Au plus beau de tous les domaines ;
Il s’unit [2] à son Créateur,
Au doux Jésus, son Rédempteur.
Pour attirer à Jésus-Christ
Un grand nombre de créatures,
Que les malheurs avaient séduits
Dans le [3] temps de la dictature,
Il s’adonna à la Mission,
Et obtînt leur conversion.
Prêchant, toute son ambition
Etait d’inculquer chez les autres,
Ce dont il faisait profession,
Comme anciennement les apôtres :
La foi était vive chez lui,
Fondait sur elle tout son appui.
L’extase était peinte sur son front,
En célébrant les saints mystères,
Etant comme les Anges sont
Rempli d’une vertu austère,
En présence de son Sauveur,
Tous son espoir, tout son bonheur.
Il n’aspirait point aux honneurs,
L’humilité fut son partage,
Il aimait beaucoup les pécheurs,
Et il montrait un grand courage,
A les rendre heureux et bons,
Demandant à Dieu leur pardon.
Dévotieux envers Jésus,
Il s’étudiait à le bien suivre :
Il paraissait toujours ému
Quand à sa main était le livre
Où l’Évangile se trouve écrit,
La sage doctrine du Christ.
Il honorait avec ferveur,
La très-sainte Vierge Marie,
Tout son esprit et tout son cœur
Ainsi que toutes ses rêveries,
Pour elle n’avaient pas de frein ;
Il la prenait pour son soutien.
Jamais il ne conservait rien,
Méprisant toutes les richesses,
Ne voulait avoir pour tout bien,
Que la pauvreté, la sagesse,
Donnant aux pauvres nécessiteux
Le fruit de ses travaux nombreux.
Se reléguant à l’hôpital,
Il y exerçait son ministère ;
Ne voulait pour séjour final,
Que cet endroit de la misère.
Il ne cessait d’être au secours
Des pauvres qu’il aima toujours.
Quatre-vingts ans s’étant passés
Dans une charité parfaite,
Cet homme heureux est expiré,
Ayant fait diverses conquêtes
D’âmes endurcies pour le Seigneur,
En se montrant leur défenseur.
Il a vécu très-saintement,
Toujours en jeûnes, en prières ;
Il se croyait réellement
Le plus grand pécheur de la terre ;
Mais Dieu qui connaissait son cœur,
A appelé son serviteur.
Sa vertu et sa piété,
Ainsi que toute sa vie sainte,
Modèle de fidélité,
Laquelle il n’a jamais enfreinte,
Le fait regarder à présent
Un protégé du tout-Puissant.
Plusieurs miracles l’ont prouvé
Aux yeux même des incrédules,
Et lesquels se sont opérés,
En évoquant le saint émule
Des François-Xavier et Régis,
Adorateurs du Crucifix.
Par sa puissante protection,
L’aveugle a recouvert la vue,
L’insensé trouvé la raison,
De grandes passions vaincues,
Les morts-nés sont ressuscités,
Les malades ont repris santé.
Sur sa tombe se trouve encore
La trace de tant de merveilles [4],
Et ce qui est encore très-fort,
Du boiteux l’on voit les béquilles
Par lui laissées près de l’Autel,
Où repose ce grand mortel.
L’effet de son instruction [5]
S’est ressenti dans plusieurs villes
Sur des personnes de dévotion,
Hommes, enfans, femmes et filles,
Qui ont fait vœu [6] de visiter
Celui que l’on doit imiter.
Accourez tous, peuples divers,
Vous qui êtes dans la souffrance,
Du corps, de l’esprit et du cœur,
Venez jouir de sa présence :
Offrez-lui de sincères vœux
Et vos repentirs douloureux.
A son exemple, ayons la Foi
Que nous ont transmis nos Pères.
Adorons à jamais la croix
Qui fait supporter nos misères ;
De Gaschon suivons les avis,
Nous obtiendrons le Paradis.
1 Ce cantique figure pour le première fois en 1817 sur l’image imprimée par Seguin à Ambert. Il est recopié vers 1820 par Pèlerin à Épinal, ainsi que par Deckherr à Montbéliard. Le texte ici reproduit est celui de l’image d’Épinal ; nous donnons en note les principales variantes par rapport à l’image de Seguin (en omettant les nombreuses var. de ponctuation et de majuscules).
[2] Seg. : « A s’unir ».
[3] Seg. : « les ».
[4] Seg. : « merveille ».
[5] Seg. : « intercession ».
[6] Seg. : « vœux ».