Sur la Passion [1] :
Sa Passion, imitée du Père Molinier [2], mais qu’il s’était appropriée avec beaucoup de bonheur, produisait le plus grand effet. Je l’entends encore s’écrier : « C’était une coutume chez les Hébreux, quand on avait trouvé un homme mort sur le territoire de la contrée, de faire rassembler tous les principaux de la nation, tous les chefs des tribus et des familles, et de les sommer de venir jurer sur le cadavre que ni eux, ni leurs enfants, ni leurs serviteurs n’étaient pour rien dans la mort de celui qui était là gisant, étendu. »
« On a trouvé un homme mort, ajoutait-il, dans cette paroisse, dans cette ville !… » Et découvrant le crucifix, il le montrait à son auditoire et s’écriait : « Le voilà cet homme : Ecce Homo. Parlez : le reconnaissez-vous ? Vous le voyez ; ce n’est point seulement un homme, c’est le Fils de Dieu, Dieu lui-même qu’on a cloué sur la croix. Vous tous, tant que vous êtes, venez jurer que vous n’avez point contribué à cet horrible déicide ! » Puis venaient des interrogations accusatrices adressées à toutes les classes de la société, aux hommes de tout âge, de toute condition ; et la conclusion était accablante pour tous.
Sur la médisance [3] :
Le missionnaire prêchait à Meymont, près Olliergues, sur le mal qu’il y a dans les médisances et les paroles irréfléchies qui vont contre la charité, et la difficulté qu’il y a de les réparer ; et, sur ce dernier point, il leur disait en patois du pays : « Mes pauvres enfants, vous ne croyez pas faire beaucoup de mal en médisant de l’un et de l’autre, et en ne retenant pas votre langue ; vous croyez qu’en venant vous confesser Dieu vous pardonnera, et qu’en disant à votre confesseur : J’ai parlé d’un tel, j’ai parlé d’une telle, il vous donnera l’absolution. Mais pour que Dieu vous pardonne, pour que votre confesseur vous donne l’absolution, il faut absolument réparer le mal que vous avez fait, le mal qu’ont produit vos méchantes paroles, entendez-vous bien ? et c’est là qu’est le difficile. Tenez, voulez-vous que je vous le fasse comprendre ? Prenez un sac plein de plumes, portez-le à la cime de Pierre-sur-Haute [4], et jetez-les au vent, il en fait toujours beaucoup là-haut ; et puis essayez de les rattraper, ces plumes, quand les unes sont ici, les autres là, les unes en Auvergne, les autres en Forez, et les autres voyageant toujours. Il en est de même de vos paroles médisantes. Comment les réparer ? »
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[1] Abbé GRIVEL, Le Père Gaschon, vie d’un prêtre d’Auvergne, Ambert 1857, p. 45-46.
[2] Jean-Baptiste Molinier (1675-1745), Oratorien, prédicateur célèbre.
[3] Abbé GRIVEL, p. 46-47.
[4] Pierre-sur-Haute (1485 m), le sommet des Monts du Forez, situé sur le département du Puy-de-Dôme, donc en Auvergne, mais à la limite de la Loire, donc du Forez.